Sylvie Auvray, La suite genevoise
Musée d’art moderne et contemporain de Genève
2012
Ce que S. Auvray appelle « Bestioles », sont les figurants d’une étrange parade, passagers d’une arche qui n’aurait, contre toute attente, embarqué que les atrophiés, les difformes, les monstres… dignes de figurer, chacun, dans un Cabinet des Merveilles, aux côtés de tout un « fantastique naturel » comme la nature en produit parfois, ou de curiosités plus délibérément fantastiques comme les boîtes trembleuses et les squelettes de sirènes, fabriqués de toutes pièces pour les esprits crédules, épris de merveilleux. Rhino, Phoque, Gossip, Éléphant, Tête de Morse, Singe, Emmanuel, Deepo 1 & 2, Raton + brioche, Pepita, Petite tête orange… pourraient tout aussi bien voisiner, dans cet inventaire, avec la taupe à nez étoilé dont l’appendice ondoyant épouvante parce qu’il compose avec des éléments disparates une figure inédite et répulsive.
À la stupeur du premier regard posé sur les « Bestioles » succède « une sympathie sans laquelle il n’y a pas de rapport entre l’œuvre et le spectateur », comme l’écrivait André Breton dans L’Art magique. Car ces êtres de peu de choses, hâtivement réalisés selon des procédés plus empiriques que définis, où le hasard et l’expérimentation occupent une place non négligeable, attirent l’empathie du spectateur. Cependant, bien qu’attendrissantes et drôles, les « Bestioles », parce qu’elles s’éloignent de la reproduction du réel, provoquent de l’étrangeté, ce familier jusque-là anodin, interroge. Le traitement des surfaces, brut et sobre malgré les surcharges picturales de certaines sculptures évite, ici, l’écueil du kitsch. Il y a de l’intensité entre les « Bestioles » qui paraissent en conversation, à tel point que personne ne s’étonnerait de les entendre parler comme les animaux des Fables de La Fontaine, peut-être aussi parce que leur anthropomorphisme ne nous échappe pas.