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DELPHINE COINDET - FRAC Poitou-Charentes, Angoulême


  • FRAC Poitou-Charentes, site d’Angoulême 63 Boulevard Besson Bey Angoulême, Nouvelle-Aquitaine, 16000 France (map)

Clepsydre


ur la façade de verre se reflète le « plus beau ruisseau du royaume » (Henry IV). Au pied du bâtiment coule la Charente, fleuve tranquille, qui a offert durant des siècles sa force égale et son cours paisible aux entreprises industrieuses et commerçantes de ses riverains. Au bout, l’océan, sa houle déferlante, ses courants, ses marées, ses abysses, ses ailleurs. La région Poitou-Charentes a passé plus de temps comme fonds marin que comme terre émergée. En prévision des crues du fleuve, le bâtiment construit pour le FRAC Poitou-Charentes il y a dix ans a gardé libre sous sa dalle tout l’espace pour les flux et les reflux. Cette parcelle était jadis occupée par un hangar à bateaux. D’une maxime -« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve»- Héraclite désignait le changement absolu et perpétuel : tout change tout le temps malgré certaines apparences d’immuabilité. Et bien vaines sont donc les réalisations humaines qui visent l’éternité. Nos activités massives ont d’ailleurs déjà peut-être une incidence accélératrice sur la cadence de cycles ou processus jadis naturels. L’eau, nourricière ou dévastatrice soumet la vie à son abondance ou à sa pénurie. Elle donne le tempo de mutations fulgurantes ou de continuums apparemment infinis. Elle procure à l’humanité et à l’individu l’expérience de sa finitude. La clepsydre, horloge à eau, est donnée pour avoir été, il y a près de 4 000 ans, le premier système de mesure précise du temps qui s’écoule.

Delphine Coindet, Rocher, 2000

Delphine Coindet, Rocher, 2000

Rocher de Delphine Coindet, artefact rapportant au solide une nature conceptualisée, est une image fragile et fongible, sculptée d’après un morceau de paysage numérisé.

Dites « château » et vous verrez celui que vous voulez imaginer, regardez une image de château et vous ne verrez plus que celui que l’on veut vous montrer. Tout le travail de Delphine Coindet se situe et se mesure à cet écart. Jouant sur les associations que l’on fait presque inconsciemment entre les objets, les mots et les images, l’artiste relève le défi qui consiste à créer des formes et des images chargées de toute la polysémie du langage et toute sa puissance évocatrice. Partant d’une vision objective du réel, de la photographie d’un objet (rocher, fleur, nuage, château, pelote de laine, etc.), Delphine Coindet utilise l’outil informatique, se servant d’un logiciel de dessin numérique, pour la transformer, la schématiser. Le schéma ainsi obtenu va constituer une image évidente et reconnue de l’objet quotidien : presque un logotype, un stéréotype, ou parfois un prototype virtuel en trois dimensions. Évacuant dans ce passage de l’objet à l’image numérique tout ce qui en est anecdotique et particulier pour n’en garder que l’essentiel, l’artiste va ensuite «regonfler» cette représentation simplifiée par la sculpture, qui lui permet de donner corps et matière à ces formes virtuelles. À partir de ce vocabulaire plastique essentiel, elle recrée un univers, peuplé de présences lisses et épurées, aux formes tellement évidentes et génériques qu’elles en deviennent insolites et singulières, ouvertes aux sens et à l’imaginaire de chacun, paradoxalement loin de toute standardisation ou de toute uniformisation.